La salle de la résidence Bei der Sauer, à Diekirch, se remplit progressivement… Ce sont surtout des dames, mais la joute ne leur est pas réservée. Chacun est invité à commander son rafraîchissement : le bingo va bientôt commencer. Ce lundi-là, les joueurs sont en nombre.
Quoi de plus banal que le bingo ? On dirait même « ringard », d’une première impression mal étayée. Force est de constater que ce jeu présentant un tambour, des boules et une grille est pratiqué dans la plupart des maisons de retraite, et avec une assiduité particulière dans le groupe SERVIOR. Cette universalisation intrigue : pourquoi, finalement, renouvellerait-on par quasi lassitude des séances de jeu sans grand intérêt ? La réponse est dans la question : pour nos équipes de soutien, le bingo est une aide au travail pluridisciplinaire, autant qu’un révélateur de la santé des seniors qui y participent.
Le hasard ne fait pas tout
Explications, avec Malou Hilgert, éducatrice diplômée, qui travaille depuis 2014 dans notre maison du bord de Sûre. Mais d’abord, un rappel du principe du jeu. Un animateur fait tourner le tambour, qui contient 75 boules numérotées, et extrait l’une d’entre elles, dont il annonce le numéro. Les participants, s’ils reconnaissent ce chiffre sur la grille disposée sur leur table, le cochent et attendent la suite… Au fil des tirages, les grilles se remplissent. Le premier qui parvient à cocher tous les numéros crie « bingo » et gagne la partie… si la vérification de sa grille est positive, bien sûr.
Facile, basique… et pourtant. « Oui, c’est un jeu de hasard… mais le hasard ne fait pas tout », sourit Malou Hilgert. « La concentration est importante ; celui ou celle qui coche mal ne gagnera pas la partie… A contrario, il y a des « champions », des personnes bien appliquées qui gagnent plus régulièrement que les autres. Le rôle du personnel est d’aider ceux qui sont un peu moins forts.»
Concentration et attention
Pour certains résidents, le bingo hebdomadaire constitue un rendez-vous important. Et pour le personnel qui les encadre, c’est l’occasion de faire le point sur les capacités et la forme de leurs protégés. « C’est du plaisir pour eux. Ils ne remarquent pas qu’en fait, on travaille avec eux », sourit Malou Hilgert.
L’activité stimule donc la concentration et l’attention : il faut écouter les chiffres, s’en souvenir, et les identifier sur sa feuille. La motricité est mise à l’épreuve avec la maîtrise du stylo. La coordination œil-main, délicate quand on prend de l’âge, est aussi testée à cette occasion. La mémoire à court terme et celle à long terme sont aussi stimulées par le jeu. « Une personne qui tient correctement un stylo pourra se servir de sa brosse à dents, remarque Malou Hilgert. Si elle se souvient du rendez-vous du bingo, elle se rappellera aussi d’autres événements importants. Et celle qui vient seule à la salle de jeu sera aussi capable d’aller seule au restaurant. » Bref, le bingo sert à la fois d’entraînement pour les seniors et constitue un moment d’évaluation pour nos équipes.
Totalement inclusif
Mais il y a aussi l’aspect social. Les joueurs, en groupe, peuvent parler entre les tirages, faire des commentaires. Certains, qui craignent d’aller dans des activités de crainte qu’elles ne leur conviennent pas, trouvent dans la simplicité du bingo un prétexte à socialiser. « C’est un milieu très inclusif, confirme Malou Hilgert. Les personnes d’à peu près tous les niveaux d’autonomie peuvent se côtoyer à l’occasion des tirages du bingo. »
Mille raisons de participer
Pour éviter le gaspillage, toutes les grilles sont aujourd’hui plastifiées et réutilisables. Et l’équipe organisatrice adapte le matériel à tous : elle peut imprimer des chiffres plus grands sur la carte de celui ou celle qui voit moins bien, ou adapter les couleurs en fonction des capacités visuelles de chacun. « Comment on connaît les aptitudes des résidents ? Mais tout simplement en les côtoyant, et en suivant leur dossier. Nous sommes avec eux huit heures par jour ! On fait du travail d’équipe, et on peut faire la synthèse de toutes les spécialités : ergos, kinés, psychologue, orthophoniste… », précise l’éducatrice.
Alors que les cordes vocales ne sont pas sollicitées quand on reste seul dans sa chambre, les conversations autour du bingo peuvent leur procurer une gymnastique bien utile : ce sont les mêmes muscles qu’on sollicite pour manger et avaler. Et celui qui oublie de s’hydrater quand il ne voit personne profitera encore plus de la collation accompagnant le bingo.
Capacités cognitives, motricité, inclusion, aspect social, bilan de santé… tant de choses se cachent en fait derrière les boules du bingo que ce jeu paraît encore promis à un bel avenir dans nos maisons.