Générosité et altruisme sont des sentiments qui augmentent chez beaucoup quand la vie dite active n’est plus qu’un souvenir. Certains s’engagent dans le bénévolat. D’autres aiment donner à des œuvres, parfois liées à leur parcours de vie ou à celui d’un proche. Beaucoup d’entre nous souhaitent même faire un geste ultime à la fin de leur parcours. Léguer en faveur d’une association, c’est un geste assez fréquent. Les amicales des résidences de SERVIOR peuvent souvent fonctionner grâce à ce type de générosité. Mais attention : un legs demande, par définition, une bonne part d’anticipation.
Anne Eymerit, clerc à l’étude du notaire Thierry Becker, à Luxembourg, est spécialisée dans le droit de la famille et le droit des successions. Elle est souvent confrontée à cette volonté de léguer tout ou partie de son patrimoine. « La donnée essentielle, quand on parle de succession, c’est l’existence d’enfants. Une part légale leur est d’ailleurs réservée : la moitié pour un enfant unique, deux tiers pour deux enfants, trois quarts pour trois enfants et plus. Si une personne a trois enfants, elle ne pourra donc affecter qu’un quart de son patrimoine à l’œuvre qu’elle a choisie. Beaucoup de personnes préfèrent d’ailleurs très naturellement laisser leurs enfants hériter de la totalité de leur patrimoine. En revanche, quand elles n’ont pour héritiers que de lointains cousins qu’elles ne voient jamais, elles seront plus facilement tentées de désigner dans leur testament une œuvre ou une association. »
Quotité disponible
On notera que l’absence totale d’héritier constitue l’exception : les notaires peuvent alors avoir recours aux services d’un généalogiste qui effectuera des recherches jusqu’à la sixième génération pour trouver un bénéficiaire. Le mythe de l’État rapace est ici très loin de la réalité.
« Un legs, ça se prépare, note Anne Eymerit. Il faut non seulement calculer la quotité disponible, si la totalité ne peut pas y être affectée, mais aussi éventuellement anticiper la taxation qui sera appliquée à l’héritage, selon le destinataire. » Au Luxembourg, les enfants sont exempts de droits de succession sur leur part légale. Si un impôt de 15% + majorations est appliqué sur des legs à des tiers, le code fiscal prévoit des exceptions notables pour les hospices, établissements publics, fondations, associations… On descend alors à 4% d’impôt. « Il arrive qu’une personne lègue un immeuble à une association, et que l’association soit obligée de le vendre pour s’acquitter de ces droits. On peut parfois anticiper en faisant inscrire dans le testament que cet impôt sera pris en charge par les comptes du défunt. »
Léguer vaut mieux que donner
Si on veut éviter ces problèmes et contourner la réserve héréditaire, pourquoi ne pas plutôt faire un don de son vivant ? « C’est possible mais il faut être vigilant, note Anne Eymerit. On n’échappe pas aux règles en matière d’héritage. Même si la personne décède 30 ans après la donation, le bien devra être considéré dans la succession, et réévalué à sa valeur actuelle. Un bénéficiaire d’une donation pourrait ainsi être amené à indemniser les héritiers. Si c’est de l’argent plutôt qu’un immeuble, le principe est le même. Il vaut toujours mieux réfléchir à un legs et rédiger des dispositions testamentaires précises de son vivant. »
On notera que, dans un pays dont près de la moitié des résidents ont une nationalité étrangère, le règlement européen sur les successions permet une certaine ingénierie en matière d’héritage, et donc de détermination de la part du patrimoine disponible pour un legs. Applicable aux successions ouvertes après le 17 août 2015, le principe de « professio juris » permet de choisir la loi de sa nationalité plutôt que celle de sa résidence comme loi applicable à sa succession. Un Belge résident au Grand-Duché de Luxembourg, par exemple, pourrait donc opter pour la loi de sa nationalité, qui ménage dans certains cas une quotité disponible plus grande que la loi luxembourgeoise, et en faire bénéficier une association de son choix dans une mesure plus importante.
Anticiper et se faire conseiller par un professionnel constituent les deux bons réflexes en matière de legs à une association.