L’idée est venue du terrain : pourquoi ne pas ouvrir une section spécifique à visée « santé mentale » quand la maison des aînés de Woiwer (Differdange) sortirait de terre pour accueillir ses résidents, fin 2022 ? Jean-Marie Wirth, chargé de direction, et Isabelle Largentier, chef de service soins et encadrement ont reçu le feu vert pour réserver un étage de la nouvelle résidence aux pensionnaires atteints de troubles psychiques. Il s’agit d’une première expérience dans le groupe SERVIOR, et elle est suivie avec attention par les autres maisons.
Isabelle Largentier, infirmière psychiatrique, a pratiqué dans un établissement spécialisé en France. Elle connaissait bien les résidents du Thillebierg (Differdange) et du Roude Fiels (Rumelange), amenés à se regrouper dans la nouvelle maison.
Deux groupes très distincts
Aujourd’hui, dans cette section de Woiwer, deux groupes d’un peu moins d’une trentaine de personnes chacun sont hébergés. Le premier rassemble des pathologies de type névrotique (troubles dépressifs et anxio-dépressifs, troubles obsessionnels compulsifs, isolement social…), qu’on peut souvent guérir moyennant une prise en charge adéquate. Les secondes, relevant plus des troubles psychotiques, ne sont guère réversibles, et se sont souvent manifestées en fin d’adolescence, voire au début de l’âge adulte. Rien à voir, dans ce cas, avec l’avancée dans l’âge. Les infirmiers-ères affectés à ce groupe ont tou(te)s travaillé précédemment dans des départements psychiatriques. L’accompagnement est plus lourd. « Il faut savoir adapter son attitude et son comportement en fonction du résident et en fonction de l’état dans lequel il est le jour même. Les soignants doivent faire preuve d’une vigilance totale à tout moment», note Isabelle Largentier. Et attention aux vieux clichés : ici, pas d’intervention physique ou de contention. « On ne touche pas le patient ! », insiste Isabelle Largentier. La majorité des résidents du second groupe évolue d’ailleurs sans contrainte dans tout le bâtiment.
En tout, une cinquantaine de membres du personnel sont affectés à cette unité de vie.
Accompagner au mieux les résidents avec troubles psychiques
La raison de la création de cette unité spécifique, c’est avant tout d’adapter l’accompagnement en distinguant bien les besoins psychiatriques spécifiques à cette cible de résidents des pathologies communes liées au vieillissement, telles que la maladie d’Alzheimer et les diverses « démences », dont souffre communément une large partie de la population vieillissante et également prises en charge dans la maison des aînés de Woiwer. « La prise en charge est totalement différente », insistent Jean-Marie Wirth et Isabelle Largentier. « Dans la section, où sont logées les personnes souffrant de problèmes cognitifs liés à l’âge, nous appliquons une approche d’après Naomi Feil. Dans la section dédiée à la santé mentale, il faut absolument garantir un milieu structurant pour apaiser les angoisses des patients, autant celles dues à des délires que celles engendrées par des problèmes névrotiques. »
Les médecins, notamment les psychiatres œuvrant régulièrement dans la maison, aident les équipes dans l’élaboration du diagnostic et dans la mise en place d’une prise en charge adaptée. « Il faut être très attentif, remarque Jean-Marie Wirth. Une grave dépression peut parfois être vue, à tort, comme un cas de démence. » L’antenne mobile du CHNP (Centre hospitalier neuropsychiatrique) d’Ettelbruck intervient régulièrement à Woiwer, et organise avec le personnel des formations spécifiques adaptées aux aînés affectés de troubles psychiatriques. La maison collabore aussi avec d’autres hôpitaux ou organismes spécialisés en psychiatrie, comme celui du CHEM (Centre hospitalier Emile Mayrisch), le SPAD (Soins psychiatriques à domicile) ou le Réseaupsy.
Des passerelles avec les établissements psychiatriques
Les institutions sont intéressées dans la mise en place de passerelles avec les maisons des aînés, pour que leurs patients en psychiatrie vieillissants puissent trouver un hébergement dans des établissements spécialisés dans le grand âge. « Nous ne faisons pas de psychiatrie aiguë. Il faut que le patient soit stabilisé », insiste toutefois Jean-Marie Wirth. « La personne doit être en état de vivre en sociabilité avec les autres », complète Isabelle Largentier.
Loin d’être considérée avec circonspection, l’unité de vie « santé mentale » de Woiwer a plutôt tendance à attirer le personnel, quelle que soit l’intensité du travail. Tous les membres de l’équipe ont volontairement choisi d’intégrer cette unité pour également parfaire leur parcours professionnel et de formation. Cette constatation ne s’applique pas seulement aux soignants. Mais tout le monde n’est pourtant pas fait pour le poste : « Il faut avoir ça dans les tripes », résume Jean-Marie Wirth. Les qualités demandées sont : sensibilité, ouverture d’esprit, capacité d’introspection et de remise en question, avec une bonne capacité d’observation et d’analyse. Des réunions hebdomadaires sont organisées dans le but d’apporter un soutien à l’équipe et de la superviser, favorisant ainsi une meilleure continuité des soins auprès des résidents.
Le dernier aménagement en cours, dans cette unité de SERVIOR Woiwer, est une petite salle où les résidents pourront décharger leur tension nerveuse.
Petit à petit, Woiwer s’enrichit d’expériences en matière de santé mentale qui seront très utiles dans nos autres maisons des aînés.